L’évaluation gériatrique en cancérologie

L’évaluation gériatrique en cancérologie répond à la nécessité d’adapter si besoin le traitement anticancéreux et de prendre en en compte les spécificités des personnes âgées.

Le vieillissement est marqué par des difficultés progressives de l’adaptation de l’organisme au stress, un déclin progressif des fonctions de divers organes (cœur, reins, vue, audition, mémoire…), une prévalence élevée de comorbidités (hypertension artérielle, diabète, ostéoporose, dépression), entraînant une perte progressive d’autonomie. Mais ce processus de vieillissement est très variable selon les individus et l’âge (≥ 75 ans) est un critère insuffisant pour évaluer l’état physiologique d’une personne. Sur le plan social, notamment en milieu rural, les personnes âgées sont plus souvent isolées et ont un niveau socioéconomique plus faible que la moyenne de la population.

Évaluation gériatrique approfondie

Une évaluation gériatrique approfondie (EGA) explore divers domaines, le but étant de proposer ensuite une prise en charge gériatrique appropriée. De nombreux outils d’évaluation ont été développés, en s’appuyant sur des paramètres  suivants : état fonctionnel, comorbidités, état nutritionnel et psychologique, syndrome gériatrique, statut socio-économique :

État fonctionnel

Performance status (PS)
Activities of Daily Living (ADL): manger, se laver, s’habiller…
Instrumental Activities of Daily Living (IADL): téléphoner, faire le courses, utiliser les transports en commun…
Test de marche (Timed Get up and Go)

Comorbidités

Nombre de comorbidités et leur sévérité (index)

Médicaments

Nombre de médicaments au long cours, leurs indications et les risques d’interactions éventuelles

État nutritionnel

Poids, Body Mass Index (BMI)
Mini Nutritional Assessment (MNA TM)

État cognitif

Mini Mental State (MMS)

État psychologique

Geriatric depression scale (GDS)

Syndromes gériatriques

Troubles visuels ou auditifs, incontinence urinaire ou fécale, chutes, dépression, démence, fractures spontanées

Statut socioéconomique

Conditions de vie, entourage, auxiliaire de vie…

Dans une population de patients âgés atteints de cancer, cette évaluation gériatrique complète détecte des anomalies dans 70 à 80 % des cas, qui doivent conduire à une prise en charge gériatrique adéquate et souvent à une adaptation du traitement du cancer mais elle est longue et ne peut être réalisée pour tous les patients âgés atteints de cancer. Aussi, un certain nombre d’outils de dépistage de la fragilité pour les patients âgés atteints de cancer ont été développés.

Outils de dépistage de la fragilité gériatrique en cancérologie

Les outils de dépistage de la fragilité gériatrique en cancérologie les plus utilisés en cancérologie sont le G8 (P. Soubeyran et al, Plos-One 2014) et le Vulnerable Elder Survey-13 (VES 13) (D.Saliba et al, Journals of Gerontology series A Biological Sciences/ Medical Sciences 2000). Une équipe française a validé un autre outil, le Filtre oncogériatrique (FOG) (S. Valéro et al, Journal of Geriatric Oncology 2011).

Items évalués dans les outils G8, VES 13 et FOG
  Outil G8 Outil VES 13 FOG (10 items)
Âge Oui Oui Non
Autonomie motrice Oui Oui Oui
Auto-évaluation de son état de santé Oui Oui Non
Comorbidités Non Non Oui
Polypharmacie Oui Non Oui
Dénutrition Oui Non Oui
État cognitif Oui Non Oui
État dépressif Oui Non Oui
Score anormal Inférieur ou égal à 14 Supérieur ou égal à 3 Supérieur ou égal à 1 (1-3 et supérieur ou égal à 4)

De nombreux autres outils d’évaluation gériatrique a minima, réalisables en milieu oncologique, se développent. Il n’existe pas de consensus pour un outil qui serait optimal dans tous les types de cancers. Deux tendances se dessinent à ce jour :

  • la mise en place d’un outil uniforme d’évaluation gériatrique en cancérologie ou « minimal data set »… ;
  • la mise en place d’outils adaptés selon les différents cancers, prenant en compte quelques-uns des domaines explorés dans une EGA.

La valeur d’un tel outil est de pouvoir exclure une vulnérabilité qui est le stade précédant la fragilité. Un score « positif » doit, en revanche, conduire à un recours au gériatre et/ou une évaluation gériatrique plus complète ou une prise en charge appropriée (soins de support).
Plusieurs équipes ont déjà testé la faisabilité d’une auto-évaluation gériatrique par le patient lui-même, sur tablette ou autre outil connecté, dans la salle d’attente d’oncologie ou d’hématologie.

La traçabilité de cette évaluation gériatrique est primordiale. Le résultat doit figurer dans le compte-rendu de la réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP), et les propositions gériatriques intégrées doivent figurer dans le programme personnalisé de soins (PPS).

Dans tous les cas, il importe d’évaluer cette approche, en suivant le nombre de recours à une évaluation gériatrique approfondie, l’impact de cette évaluation gériatrique sur le choix du traitement du cancer, et le bénéfice des prises en charge gériatriques réalisées en termes de qualité de vie, de pronostic, et de tolérance du traitement anticancéreux.